Il y a plusieurs mois maintenant sortait « From Staircase to Stage« , l’autobiographie de Raekwon, membre fondateur du Wu Tang Clan. L’été aidant, je me suis plongé dans ce livre, et ses révélations au sujet du plus grand groupe de rap de l’histoire.

Une biographie de Raekwon

Avant tout, pour ceux qui ne connaissent pas, il est important de poser le contexte. Le Wu Tang Clan est un groupe de rap Américain, dont les membres sont originaires de New-York, et plus particulièrement de Staten Island. Ils piochent leurs références dans leurs quotidiens, en croisant cela avec l’imaginaire des films de samouraïs, ce qui se ressent tant de leurs noms, leurs paroles, que dans l’imagerie et les choix de titre de leurs albums.

Le Wu Tang est un groupe de personnalités, de rappeurs, qui, pour la plupart, n’envisageaient pas du tout de former un groupe au départ.

Certains membres, comme GZA, menaient déjà leur carrière solo avant la sortie de leurs premiers projets collectifs.

D’autres, comme Cappadonna, étaient en prison lors de la formation du groupe et sont donc des membres « non-officiels » au commencement du groupe.

L’histoire a commencé quand RZA, jeune producteur, DJ et MC se met en tête de rassembler les meilleurs rappeurs de son entourage et d’en faire un groupe. L’histoire est forcément unique, puisque chaque MC enregistrait des couplets, qui ont fini utilisés sur des morceaux à côté d’autres rappeurs qu’ils ne connaissaient que peu. Nous ne sommes pas sur la formation « traditionnelle  » d’un groupe de musique.

Succès aidant, un collectif s’est formé, mais fait face à d’énormes difficultés, tant sur le plan de l’organisation que sur l’entente entre des membres qui, parfois, connaissent encore le quotidien des « projects » aux Etats-Unis.

Aujourd’hui, le groupe n’existe plus vraiment, en grande partie à cause de ces dissensions, mais les membres continuent tous leurs carrières.

Pour votre culture, les membres du Wu Tang Clan sont Method Man, GZA, RZA, Inspectah Deck, Ghostface Killah, Ol’ Dirty Bastard, U-God, Masta Killah, Cappadonna, et donc Raekwon, sur qui nous allons nous pencher.

Raekwon, The Chef

Raekwon a connu une enfance très compliquée, qu’il raconte sans détours dans cette autobiographie travaillée avec Anthony Bozza. Anthony Bozza est un spécialiste du genre, puisqu’il a écrit deux biographies d’Eminem, une sur AC/DC, et a co-écrit des ouvrages avec Tracy Morgan, Wyclef Jean, Tommy Lee ou INXS.

Raekwon, lui, est l’un des membres majeurs du Wu Tang Clan, et connaît une carrière solo extraordinaire, notamment avec son album légendaire « Only Built 4 Cuban Linx« , encore copieusement écouté à ce jour, plus de 25 ans après sa sortie.

Raekwon est l’un des pionniers du courant du « Mafioso Rap« , il en raconte d’ailleurs des histoires sur le sujet dans son livre, notamment quand la Mafia Italienne lui a fait changer le nom de son premier album. Son style et sa narration restent uniques, et encore aujourd’hui la nouvelle génération de rappeurs n’hésite pas à faire appel à lui pour des collaborations.

Un récit pas toujours simple à suivre

Contrairement à la biographie de Notorious B.I.G, qui se lit très facilement, celle de Raekwon est parfois plus compliquée. Cela s’explique par plusieurs choses. D’une part, certains actes de Raekwon et des gens qu’il évoque dans son histoire sont encore répréhensibles, donc il ne peut pas toujours donner les vrais noms, ni les informations complètes. On déduit pas mal de choses, mais il reste des zones d’ombres, ce qui est assez normal pour quelqu’un qui explique avoir dealé durant des années, s’être fait tiré dessus, et même avoir connu des addictions à des substances illicites.

D’autre part, le format du livre semble être le résultat d’entretiens entre Anthony Bozza et Raekwon, et il arrive que les mêmes évènements soient retranscrits plusieurs fois, avec des protagonistes qui changent de nom entre les deux versions. Donc il arrive parfois que l’on s’embrouille un petit peu, mais rien de bien dramatique.

Pour autant, les parties sur le Wu Tang, leur premier album, leurs premières tournées, qui sont tout ce que vous pouvez imaginer, et bien pire encore, sont complètes, détaillées, et prenantes en plus d’être pleines d’anecdotes incroyables.

Pour tout fan de Hip-Hop des années 90 et de culture urbaine, ce livre est un indispensable. Même si l’on comprend qu’il signe définitivement la fin du Wu Tang, le livre de Raekwon permet de comprendre, d’expliquer, et donc de savoir pourquoi les membres de ce groupe mythique se sont peu à peu éloignés les uns des autres.

Trois énormes « What If » ?

Cet ouvrage nous laisse sur trois énormes situations où l’on ne peut que se demander ce qu’il se serait passé si le destin avait été juste un petit peu différent.

La première, la plus triste, est celle de la rencontre entre Ghostface Killah, Raekwon, et Notorious B.I.G, la veille de son assassinat. Les trois rappeurs s’étaient mis d’accord pour collaborer ensemble, ce qui aurait pu donner….on ne saura jamais exactement, mais cela aurait pu être un monument de l’histoire du Rap, une collaboration entre les 3 plus grands représentants du Gangsta Rap New-Yorkais de l’époque, alors à l’apogée de leurs carrières.

Second moment, plus récent, quand Raekwon a failli signer pour être produit par Dr. DRE. Quand on voit le résultat que ça a donné avec Busta Rhymes sur The Big Bang, là aussi on ne peut qu’être déçu.

Dernier moment, en lien avec la série « Wu Tang : An American Saga » ou l’on apprend que les inimitiés entre RZA et Raekwon ont failli faire capoter le projet, mais surtout que Raekwon avait un projet parallèle de film, qui devait être produit par Leonardo DiCaprio. La aussi, même si la série est plaisante, un film avec de plus gros moyens aurait ou être extraordinaire.

Cet ouvrage est donc une vraie plongée au cœur du Wu Tang Clan, au cœur du New York pauvre des années 1980, et en plein dans l’odyssée du plus grand groupe de Rap de l’histoire.