Si vous êtes nés avant 1990, que vous vous intéressiez à la sneakers ou pas, vous avez forcément déjà croisé, voire porté, une paire de Nike Cortez. Mais cette basket, qui est l’un des tous premiers modèles de chez Nike, était au départ un modèle Asics. Retour sur l’histoire d’une des paires les plus importantes de la sneakers culture.

La fin de Blue Ribbon, les débuts de Nike
Avant de créer Nike, Phil Knight et son mentor, Bill Bowerman, distribuaient via leur entreprise Blue Ribbon, des paires de Asics aux Etats-Unis, et soumettaient à la marque Japonaise des modèles travaillés pour convenir encore mieux aux athlètes de l’époque. Pendant plusieurs années, tout se passe bien, et Phil Knight monte une entreprise qui prospère, avec la bénédiction d’Asics, qui voit d’un bon œil que son arrivée sur le marché nord-Américain soit gérée par deux experts du domaine sportif.
Après de multiples aventures, l’entente entre Asics et Blue Ribbon va s’arrêter, aboutissant à la création de Nike, une histoire racontée par Phil Knight dans son autobiographie.
Les livres de la culture Sneakers : SHOE DOG
La Sneakers Culture existe depuis une bonne soixantaine d’année maintenant, et on a la chance de voir apparaître les premières biographies des pionniers qui ont démocratisés les baskets. L’un de ces ouvrages est une autobiographie, intitulée SHOE DOG, et elle retrace l’épopée de Phil Knight et de la création de Nike. Intitulé « l’art de la victoire » dans sa version Française, ces mémoires, rédigées par Phil Knight, mettent un vrai coup de projecteur sur l’histoire de Nike, de la création de sa première version, Blue Ribbon, jusqu’à l’ouverture du capital qui a permis à Nike de devenir ce qu’elle est aujourd’hui.…
Les Asics Corsair, ou les Nike Cortez ?
Bill Bowerman, entraîneur de course à pied renommé, réputé et respecté, soumettait donc régulièrement, par l’intermédiaire de Phil Knight, des idées de nouveaux modèles à Asics, qui s’appelle alors encore Onitsuka Tiger. Et c’est comme cela qu’est née, en 1966, 6 ans avant la création de Nike, la Asics TG-24.

Avec son avant pied arrondi, sa structure allégée et sa semelle, même si pas définitive sur cette publicité, tellement facilement reconnaissable, la TG-24 s’adresse, lors de sa sortie, à un public de runner. La paire est conçue pour courir le marathon, et donc à ce moment, absolument pas pour le quotidien.
Chez Onitsuka Tiger, la paire rencontre deja un certain succès. Mais difficilement mis en avant, peu distribué, le modèle est efficace, mais peu connu. Lorsque Phil Knight et Bill Bowerman stoppent leur collaboration avec Onitsuka pour lancer Nike, cette sneaker se trouve entre deux eaux. Asics y croit, Nike, en plein lancement, à besoin de modèles, et la paire va donc se retrouver chez les deux distributeurs à la fois.
La Corsair et la Cortez
Pour choisir le nom de sa paire, Bill Bowerman a un nom déjà tout trouvé : il veut la nommer Aztec, pour célébrer les jeux Olympiques de Mexico, qui se tiennent en 1968. Problème, le grand leader de l’époque, adidas, présente lui aussi un nouveau modèle : La Adidas Azteca Gold.
Pour Asics, se présenter avec un nom similaire serait un non-sens commercial. Surtout qu’adidas entend parler de ce nom, et menace alors d’un procès. Bowerman doit revoir sa copie. Au détour d’un échange avec Phil Knight, il décide alors de baptiser sa paire du nom de l’explorateur qui a anihilé les Aztèques : Hernan Cortes. Le but, à ce moment, est alors d’envoyer un signal fort à adidas, signifiant que Blue Ribbon n’est pas sur le marché pour y faire de la figuration.

Lorsque Nike est créée, le nom Cortez suit, et Asics se retrouve donc avec la TG-24, sans nom, après un procès ou les deux compagnies veulent garder le nom Cortez pour elles.
Pour ne pas faire trop compliqué, Onitsuka opte pour le nom « Corsair », pour conserver le lien avec la Cortez sans pour autant s’en rapprocher trop. On se retrouve donc avec deux modèles très similaires, aux noms et aux histoires fortement liés, mais produits et distribués par deux différents acteurs du monde de la sneakers.

Du running à la rue
Le principal problème de la Cortez à son lancement en 1972 est son trop grand succès. Nike se lance un peu à l’improviste, pour devancer les manœuvres d’Onitsuka, et la capacité de production de la compagnie est réduite. Le modèle reprend la forme de la TG-24, mais le swoosh vient remplacer le logo Asics sur les flancs de la sneaker.
Problème : tous les runners veulent des Cortez, mais Nike ne peut pas en produire suffisamment pour répondre à la demande. Elle est le symbole du succès de Nike, mais aussi des difficultés de la firme à l’époque.
Après quelques années, le modèle s’installe fortement sur la côte ouest des États-Unis. La ou la Air Force 1 est rattachée à New-York, Philadelphie et Baltimore, où les modèles « Terrace » d’adidas sont associés à la culture hooligan britannique, la Cortez, elle, devient rapidement une icône de Los Angeles. Dans la cité des Anges, la paire est très présente, la faute aux premières boutiques Nike, situées en Californie du Sud, notamment à Santa Monica.
En 1977, c’est la consécration, puisque Farrah Fawcett porte très visiblement la paire dans un épisode de « Drôles de dames », établissant clairement la Cortez comme une vraie sneakers lifestyle.

La paire des gangs
Problème de la Cortez, son prix abordable, et ses versions colorées nombreuses vont contribuer à transformer la paire en un symbole de reconnaissance des gangs de Los Angeles. La paire, qui était alors très bien vue, devient peu à peu symbole d’une culture violente. Si cela lui permettra d’intégrer le gangsta rap et les premiers clips de l’époque, ça coupera aussi le modèle de toute une population qui cherchera à ne pas être associée à la violence des gangs dans un Los Angeles plongé en pleine épidémie du crack.

Nike va alors limiter la distribution de son modèle, afin de gérer sa réputation. Dans les années 90, certains établissements scolaires arrivent même jusqu’à interdire aux élèves de porter la paire. La Cortez souffre de son image.
Forrest Gump et l’immigration Sud-américaine
Ce qui va sauver la Cortez, finalement, se tient sur deux éléments totalement decorrelés. D’un côté, on a toute l’immigration sud-Americaine en Californie, qui s’approprie fortement la paire. Le modèle devient un symbole d’appartenance, et Nike le remarque bien, produisant des modèles dédiés à cette communauté, qui permet à la paire de revivre.
De l’autre, un film, sorti en 1994, Forrest Gump, voit son héros, fan incroyable de course à pied, se faire offrir une paire de Cortez dans son coloris original. Un coup de pub et de projecteur sur la paire, qui va redonner à la Cortez un attrait qui ne se démentira plus.

Les 700 Cortez
Si la paire continue évidemment d’exister dans sa version originale, c’est aussi l’une des sneakers les plus utilisées chez Nike. Avec sa longue existence, la Cortez peut aujourd’hui se targuer de plus de 700 versions différentes existantes sur ce modèle, faisant varier les couleurs, les formes et les matériaux.

Si elle n’est évidemment plus utilisée pour la course à pied, 50 ans d’innovation dans le running l’ayant rendue obsolète dans le domaine, la Cortez reste une sneakers culte, incontournable chez Nike, comme dans le quotidien des amateurs de baskets. La paire est régulièrement reproposée dans l’assortiment Nike, confirmant que la demande pour le modèle existe toujours, plus de 50 ans après sa création.
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