Avec la fin de la collaboration avec Kanye West, et le manque d’efficacité dans le renouvellement des gammes de la marque aux trois bandes, on peut légitimement se demander quelle stratégie va adopter adidas pour rebondir.

La fin d’une ère

Depuis 2020, les changements pour adidas se multiplient, nombreux et importants, signes d’une restructuration en profondeur de la marque Allemande fondée par Adi Dassler.

La première grosse secousse, qui était attendue, aura été la vente de Reebok. Achetée en 2006 pour 3.1 Milliards d’€uros, la marque Anglaise n’aura jamais vraiment su se démarquer sous l’aile d’adidas, et la voilà reprenant son indépendance, donc, rejoignant le groupe Authentic Brands Group contre 2.1 Milliards d’Euros, groupe ou Reebok retrouvera des marques comme Volcom ou Forever 21.

La vente, conclue lors du second trimestre de 2021, a été effective au premier trimestre de 2022.

Quelques mois plus tard, c’est un autre changement fondamental qui a touché adidas. Son CEO, Kasper Rosted, en place depuis 2016, a annoncé son départ, prévu pour le début d’année 2023. Les difficultés d’adidas sur le marché Chinois ne sont pas étrangères à cette décision, mais Rosted était à la tête de l’entreprise et à l’origine de son net rebond, et à ce jour, on ne connait toujours pas son successeur.

Un autre évènement, plus discret, a eu lieu en 2020. A la tête de la gestion des partenariats, notamment ceux avec les stars comme Kanye West ou Beyonce, John Geiger avait discrètement quitté adidas, sans que cela ne fasse beaucoup de bruit. Pourtant, aujourd’hui, face à la difficulté de travailler avec Kanye, et la très probable fin de la gamme Yeezy, on mesure l’importance de ce départ. Car, après les frasques impardonnables de Kanye, adidas a mis le partenariat avec Ye « sous observation », très probablement le temps de trouver le moyen légal pour se défaire du rappeur sans trop perdre en terme de produits, d’image et de revenus.

Seulement, sans Capitaine à la barre, et avec sa gamme la plus forte commercialement qui tangue sérieusement, le navire adidas se retrouve en fort besoin d’une direction stratégique forte, et efficace.

Yeezy ne tuera pas adidas

Si Kanye rêve de surpasser Jordan, il n’est pas encore au niveau d’adidas. Et si son départ créera forcément un vide, on peut voir qu’en terme de recherches globales, et d’intérêt pour les marques, adidas reste encore très loin devant.

Pour autant, la disparition possible de Yeezy va créer un trou dans la gamme adidas, puisqu’aujourd’hui, aucun modèle adidas n’a la hype ou la puissance qui permettrait à adidas d’exister dans le monde de la mode et des lanceurs de tendance. La Stan Smith est une basket du peuple, mais n’est plus autant en vogue. La Superstar a, de nouveau, disparue, malgré son histoire incroyable. Les NMD en sont à leur troisième version, mais ne retrouvent pas la force qu’elles avaient lors de la sortie du premier modèle. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les dernières sorties adidas n’ont pas convaincues, à une exception près, la nouvelle version des Adilettes, les claquettes adidas. Difficile de construire sur cela pour la marque.

Des nouvelles sneakers qui ne fonctionnent pas

Depuis quelques années, adidas tente, essaye, et produit des nouveaux modèles, mais la plupart finissent en échecs. On peut citer notamment les adidas Prophere, de 2018, qui pesaient une tonne et qui ont vite disparu. Les Falcon, sorties en même temps, pour surfer sur la vague « Chunky Sneakers », ont bu la tasse face aux Disruptor de Fila ou aux différentes New Balance positionnées sur le segment. Les Deerupt sont vite devenues des Tubular toujours soldées, tuant les deux gammes d’un coup, et les Continental 80 n’auront pas non plus laissé un souvenir impérissable.

Plus récemment, les Adifom n’ont pas eu plus de succès, le modèle étant déjà en promotion quelques semaines après sa sortie, ce qui n’est jamais très bon signe. Difficile donc, de citer un véritable succès pour les nouveautés adidas sans évoquer la gamme Yeezy, et maintenant depuis un long moment.

Pharrell en sauveur ?

Lorsque adidas avait fait son comeback en 2015 après des années très difficiles, c’était sous l’impulsion géniale de Pharrell Williams et ses 50 coloris de Superstar.

C’est ce qui avait donné un grand coup de fouet à adidas, le retour en force d’un modèle iconique, réinventé, mais pas trop, par une star mondiale à l’image propre et lisse.

Aujourd’hui, Pharrell est toujours chez adidas, il a notamment collaboré sur les nouvelles NMD, et la possibilité d’une autre opération de ce genre reste possible, mais il faut trouver le modèle de sneakers qui pourrait convenir.

Des Forum aux Gazelle, des sneakers à foison dans les archives

Et l’une des grandes Force d’adidas, c’est ce catalogue historique de modèles, de sneakers, connues ou pas, qui peuvent servir d’inspiration ou de base de travail.

Il n’existe pas une année depuis trois quart de siècle sans qu’adidas ne produise une paire de sneakers.

Dans la sneakers culture, la place d’adidas est indéniable. Pionniers parmi les pionniers, acteurs majeurs de l’industrie sportive depuis plus d’un demi-siècle, la marque Allemande fait quelque peu figure de géant endormi.

Tandis que Nike réussit sans trop de mal à régénérer ses modèles d’archive (la Dunk, la Air Force, les Air Max, les Jordan 1….), adidas semble toujours réticent à miser sur ses valeurs sûres, alors qu’elles sont au contraire toute la force et l’héritage de la marque.

Il ne fait aucun doute que le prochain rebond d’adidas devra s’appuyer sur le catalogue incroyable dont la marque dispose.

Je pense notamment à des gammes en sommeil, comme les ZX, les Mercury, les Harvard ou les Marathon, des noms aujourd’hui oubliés, mais qui sont toujours là, dans les archives adidas, à attendre leur heure….

Gérer l’après Kanye

L’un des grands défis d’adidas va être de gérer la séparation avec Yeezy. Le rappeur étant devenu extrêmement clivant, chaque décision le concernant s’apparente à marcher sur des œufs. Il va falloir réussir à se défaire de lui, voir légalement qui conservera la gamme et les droits des produits Yeezy, même si il paraît impensable que Kanye puisse partir avec des modèles contenant du Boost, invention conjointe d’adidas et BASF. Puis ensuite, rebondir. Trouver une nouvelle tête d’affiche, un nouveau visage qui portera la marque.

Quoi qu’il arrive, les supporters de Kanye seront perdus pour la marque. Il faut maintenant être habile pour garder les fans des modèles Yeezy qui n’ont pas d’attache pour Kanye.

Une vision à long terme

Ensuite, la stratégie d’adidas ne doit pas être court-termiste, ni alarmiste. La marque conserve des bases solides en Europe et aux États-Unis, et le marché Chinois est compliqué pour beaucoup, adidas n’est pas un cas isolé face à l’émérgence de Li-Ning et d’autres acteurs Asiatiques bien implantés dans leur pays d’origine.

Autre point important, les produits adidas de milieu de gamme s’écoulent encore très bien dans les enseignes du type Intersport ou Decathlon, et offrent à la marque de belles marges de manœuvres financières.

Ce qu’il faut maintenant chez adidas, c’est s’offrir un vrai rebond durable, construit, et ne plus miser que sur une gamme ou une tête d’affiche. La marque aux trois bandes doit se diversifier et comprendre que ses modèles peuvent assez simplement se réinventer, sans avoir besoin d’ajouter du boost, de modifier les matières ou de retravailler la forme. Les prochains mois s’annoncent donc capitaux pour adidas, qui doit réussir à se redresser afin de combler peu à peu l’écart qui s’est creusé avec Nike, tout en regardant ce que font tous les challengers comme New Balance, qui, eux, conquissent peu à peu des parts de marché.